Gilberte Ferrari
ou les signes vitaux de la brûlure humaine
Les couleurs vives et aigues, fraîches et solaires, ont leur vie propre. Elles éclaboussent. Elles accidentent chaque toile, libérant une sidérante énergie. Une tension très féconde, et quasi instinctive, efface en elle ce qui alourdit le visible, et se désigne aveuglément dans les fragiles illusions du monde. Cependant Gilberte Ferrari ignore la provocation chromatique. Si elle apprécie stridences et percussions, elle utilise plutôt, comme dans les musiques d’Asie, toutes les modulations des valeurs, comme autant de libres variations creusant la totalité d’un son. En traces légères et fouillées, ses couleurs envoûtent le regard, tandis que les élans du corps, souterrains et libres, donnent à l’œuvre entière une superbe densité existentielle.
La transparence et l’opacité, constamment, se mêlent et s’entremêlent, à la limite du dicible et du mystère. Pas de message, aucun discours. Plutôt l’ascèse poétique et méditative d’un fabuleux déploiement lyrique, quand même de dures fractures, comme l’écho brisé d’une fusion oubliée, fouillent parfois les traces aiguës des meurtrissures vitales. Art de haute conscience dans un espace infiniment ouvert.Une éclairante richesse, indéfinie, insondable, aux vifs éclats de soleil mental, ouvre les frontières du sensible, et porte les signes vitaux de la brûlure humaine.
La richesse de la création de Gilberte Ferrari vient d’abord de l’énergie sollicitée, de l’ampleur superbement organisée des registres d’art convoqués, variés et pluriels, et de la synthèse lyrique, lumineuse et aérienne, subtile et dense, qu’elle s’installe au final. Œuvre de déferlements gestuels, naviguant dans l’insondable et dans l’illimité, en mouvante et constante métamorphose. Comme des flammes d’univers, les couleurs vibrent dans l’espace. Des tracés aventureux calligraphient l’étendue en une écriture d’immensité, quand la tache et le hasard étreignent la création.
Christian Noorbergen